<< Reconnais, chrétien, ta dignité ! >>Croire
au milieu du monde
Nous vivons des temps passionnants, même si depuis quelques années la crise économique marque durement notre humanité tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle internationale. Les révolutions technologiques continuent à ouvrir des possibilités toutes nouvelles et insoupçonnées. Certaines valeurs morales et sociales sont aussi mieux affirmées et mieux défendues aujourd'hui qu'hier, même si elles ne sont pas toujours respectées. Il en est ainsi des droits de l'homme et des acquisitions sociales, par exemple.Y a- t- il encoreNotre environnement culturel est devenu très varié: des courants de pensée de tous genres coexistent, non sans mal, mais avec un profit évident. Les chrétiens ont contribué au progrès social, scientifique et culturel de l'humanité, mais on peut leur demander: << Pourquoi êtes- vous chrétiens ? >>, ou Que signifie, pour vous et pour les autres, être chrétien' dans une société où nous sommes tous mélangés? >>. Non seulement nous ne vivons plus dans une culture homogène, mais nous sommes devenus des << chrétiens en diaspora >>, dispersés au milieu de nos contemporains qui ne pensent pas comme nous.
Dans un tel contexte, nous sommes interpellés par la parole: << Reconnais, chrétien, ta dignité ! Dis qui tu es et en qui tu as mis ta foi >>. Mais comment dire qui nous sommes sans communier à la foi de tous ceux qui nous ont précédés et de tous ceux qui, dispersés dans le monde, vivent de la même foi ? Avant d'être des individus chrétiens, nous avons une Tradition, un << Credo >>. Nous sommes un << Peuple >>, une communauté, une Eglise.
Pour beaucoup de nos contemporains, la foi chrétienne n'offre rien qui puisse satisfaire nos besoins quotidiens. Elle n'apporte ni bonheur, ni solution à nos problèmes, ni guérison du corps, ni paix du coeur, ni salut, ni libération.Comment croirePourtant la guérison de l'homme dans sa totalité -- son corps, son coeur et son âme -- est le noyau du message de Jésus. << Il enseignait ... proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume; il guérissait toute maladie et toute infirmité parmi le peuple... et on lui amenait tous ceux qui souffraient, en proie à toutes sortes de maladies et de tourments ... il les guérissait >> (Mt 4, 23 ss.). Jésus guérit le paralytique en même temps qu'il lui remet ses péchés. Guérison et pardon des péchés, voilà ce que signifie le mot salut, << santé >> de tout l'homme, harmonie profonde. Le salut ne se limite pas seulement aux individus, mais il s'étend à tous les peuples et à tout l'univers. Il vise toutes nos relations et toutes les structures de notre société. Le salut repose sur le message de Jésus et d'abord, sur sa vie, sa mort et sa résurrection: Jésus, Dieu et homme, s'est donné entièrement pour nous et pour tous les hommes, <<afin qu'ils aient la vie en abondance>> (Jn 10, 10). Dans la résurrection de Jésus, c'est toute l'humanité qui est arrachée au pouvoir de la mort et aux puissances du mal. L'Esprit du Christ donne aux chrétiens foi, espérance et charité, et il souffle où il veut.
Le premier mouvement de la foi, le premier don, la première grâce, c'est d'abandonner la certitude que je trouverai une réponse par moi seul. La prière permet alors de faire un premier pas parce qu'elle me porte hors de moi- même.Comment Dieu parle- t-il aux hommes ?Comment croire si je construis toute ma vie sur moi seul ou si je compte sur les seules forces humaines ? << Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s'est approché: convertissez- vous et croyez à l'Evangile >> (Mc 1, 15), proclame Jésus. C'est donc à la conversion qu'il appelle. Se convertir, c'est se tourner vers un autre pour l'accueillir.
Pour saint Paul, la foi naît de la prédication: elle << vient de ce qu'on entend et ce qu'on entend vient de la Parole du Christ >> (Rm 10, 17). Des dizaines de fois, nous entendons les mêmes passages de l'Ecriture. Mais l'important, c'est de percevoir que Dieu nous dit: << c'est pour toi... >> Il ne suffit donc pas d'entendre; encore faut- il avoir << le coeur transpercé >> (Ac 2, 37), comme les foules se sont laissées toucher lors du discours de Pierre à la Pentecôte.
La parole de Dieu nous a été transmise par d'autres : par la famille, par la communauté chrétienne, hommes et femmes habités par la foi de l'Eglise. Avant que nous n'ayons su lire la Passion du Christ dans les évangiles, quelqu'un nous a montré le Christ en croix et nous a parlé de sa mort et de sa résurrection. Avant de comprendre, nous avons cru.Comment croire quantC'est par un long chemin à travers l'histoire des hommes et de l'Eglise que les évangiles nous atteignent. Des missionnaires sont venus semer l'Evangile dans notre pays; et notre Eglise a envoyé des missionnaires porter à d'autres peuples la Parole qui nous fait vivre. Dans ce mouvement d'évangélisation, c'est l'Esprit qui rend les coeurs brûlants. Dieu est ainsi à l'oeuvre dans l'histoire des hommes qui, de génération en génération, vivent et transmettent la foi.
Dieu séduit les hommes, certains dès la jeunesse, d'autres à l'âge mûr. Il leur parle dans la beauté de la nature, dans le témoignage des croyants, dans les événements de la vie, joies ou peines, à travers les luttes et le sang versé par les martyrs du Christ. Parfois une mère nous aide et, en elle, c'est l'Eglise qui nous évangélise. Parfois, c'est un inconnu qui laisse transparaître sa foi en acte et en parole... En tous ces signes, Dieu nous précède.
Comme l'amour, la foi n'est pas à l'abri du malheur et des difficultés de la vie. Elle n'est pas non plus à l'abri du doute, de la lassitude et de l'ennui. L'épreuve de la foi est inhérente à la vie de foi. Elle n'est pas nécessairement liée aux conditions d'existence. Ce ne sont pas toujours ceux qui sont nés dans le malheur qui refusent de croire. Inversement, ceux qui ont été aimés et qui ont bénéficié de toutes les chances d'épanouissement peuvent ne pas avoir-- ou ne plus avoir--foi en quelqu'un d'autre qu'eux-mêmes.Croire c'est s'appuyerQuand on regarde le monde, la part de souffrance est immense et fait douter de Dieu. Pour que la foi soit crédible, il faut aussi qu'on la voie à l'oeuvre quelque part: lorsqu'elle devient Bonne Nouvelle pour les pauvres, alors Dieu se rend en quelque sorte << visible >>.
Notre profession de foi ne commence pas par: << Je crois que Dieu existe >>, ou << Je crois que Dieu est tout- puissant >>, mais par << Je crois en Dieu >>. Mettre sa confiance en quelqu'un dépasse de loin la foi qu'on attache à tel ou tel propos venant de lui ou le concernant: se fier à Dieu, c'est montrer que celui en qui on croit est digne de foi et qu'il vaut la peine de lui rester fidèle.<< J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé!>>Il est aussi remarquable que nous ne disions pas: << Dieu, je crois en toi! >>. Non, nous proclamons notre foi devant l'assemblée: << Je crois en Dieu >>.
La proclamation de la foi amène à dire qui est Dieu et ce que Dieu a fait pour nous. En d'autres termes, cet acte de foi s'enrichit d'un contenu.
Celui qui croit ne peut taire la foi qui le porte. Saint Paul non plus ne pouvait se retenir de parler: << Malheur à moi, dit- il, si je n'annonce pas l'Evangile ! >> (I Co 9, 16). Exprimer sa foi dans le Seigneur est l'affaire de tous et de chacun selon ses dons:<< Le scandale n'est pas que le Christ soit mort, mais qu'il est ressuscité. Ce scandale se transmet de proche en proche, par de grands et de petits messagers: il nous est toujours contemporain, et chacun l'exprime avec ses moyens propres, qu'il soit théologien, philosophe, mystique ou artiste, ou que sa vie soit son unique expression >> (Pierre Emmanuel).