Je crois en l'Eglise

 

Beaucoup de nos contemporains veulent bien adhérer à la personne de Jésus, prophète en paroles et en actes. Mais l'Eglise...!

Doutes, déceptions, blessures, le fossé apparent entre l'Eglise et le Christ, le poids des rites, les ambiguïtés, les compromissions avec le pouvoir et l'argent, la hiérarchie et le peuple des << fidèles >> qui le sont si peu...: tant d'épreuves et de faiblesses, mais aussi tant de regards et de jugements intransigeants empêchent de découvrir le vrai visage de l'Eglise. Elle est en même temps visible et invisible, humaine et divine, Eglise de la terre et Eglise riche de biens célestes.

<< Si je t'observais jour et nuit, dit une poétesse, si je te suivais partout où tu vas, si je pouvais pénétrer le coeur de tes pensées et de ton coeur, je ne te connaîtrais pas encore: je ne te connaîtrai pas tant que je ne t'aimerai pas >>.

Aimer l'Eglise ? L'aimer avant de la juger ? C'est elle qui, à travers les siècles, nous a portés dans la foi et nous a enfantés dans la joie et la douleur. C'est elle qui nous a nourris. Et combien sommes- nous à grandir en son sein dans l'ingratitude ou l'indifférence '?

Aimer l'Eglise, parce que le Christ l'a aimée et s'est livré pour elle; aimer l'Eglise comme le Christ l'aime aujourd'hui, c'est travailler à ce qu'elle soit comme il la veut.

Dieu, dit la Bible, nous aime c omme une mère qui n'oublie jamais son nourrisson et prend pitié du fruit de ses entrailles (Is 49, 15- 16). Il nous aime comme un père qui, voyant revenir son fils, accourt vers lui, tout ému, se jette à son cou et le couvre de baisers (Lc 15, 2()).

Mais entre le Christ et son Eglise, il existe un amour plus mystérieux encore, qui nous introduit au coeur de l'intimité de Dieu: c'est l'amour de l'Epoux pour son Epouse.

<<Il adviendra, ce jour- là, Parole du Seigneur, que je te fiancerai a moi pour toujours. Je te fiancerai dans la justice et le droit, dans la tendresse et la miséricorde. Je te fiancerai à moi dans la fidélité et tu connaîtras le Seigneur >>. (Os 2, 18, 21- 22).

L'Eglise vit << dans la foi au Fils de Dieu qui l'a aimée et s'est livré pour elle >> (cfr Ga 2, 20)). Cet amour nuptial est infiniment personnel. Il est fort et plein de délicatesse. Il rayonne sur le visage de l'Epouse.

Fort bien, dirons- nous! Mais dans la réalité ? La première réalité de l'Eglise, c'est qu'elle se sait aimée du Christ et cela seul peut la rendre rayonnante: elle est signe de la tendresse et de la justice de Dieu.

Jésus n'était pas seul. Né juif, il appartenait à un peuple modelé par une tradition, celle de l'Alliance que Dieu a nouée, non avec des individus, mais avec un peuple. Lorsque Jésus parait au bord du Jourdain, il annonce que le Royaume de Dieu est là. Ce Royaume n'est pas purement spirituel, invisible: il paraît dans un peuple renouvelé, rassemblé, signe d'un monde autre qui commence déjà.

Jésus choisit parmi ses disciples les Douze. Douze est un nombre qui symbolise une totalité, comme les douze fils de Jacob préfiguraient la totalité du Peuple élu: les douze tribus d'lsraël.

Le fait qu'il y ait douze Apôtres annonce le rassemblement de tous les hommes. Car, en Jésus, le salut est annoncé à tous.

Parmi Ies Douze, Pierre reçoit de Jésus-- et non des hommes --la responsabilité << d'affermir ses frères >> dans la foi. Jésus l'établit comme un roc d'unité: << Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise et les portes de l'Enfer ne pourront rien contre elle>> (Mt 16, 1ts).

Dans le judaïsme et dans Ies autres religions, le disciple choisit son Maître: il décide de venir à lui. Entre Jésus et les disciples, il en va tout autrement. C'est Jésus qui appelle. Son appel est gratuit, inattendu, mais si pressant qu'il suscite un attachement libre, total et inconditionnel à sa personne. Cet appel engendre des ruptures avec les conditions de vie antérieures, car les disciples ne sont pas choisis pour eux- mêmes, mais pour être envoyés: << apôtre>> signifie << envoyé >>.

L'Eglise, telle que Jésus l'a voulue, est celle pour laquelle il est mort. <<Jésus devait mourir, non seulement pour la nation juive, mais pour rassembler dans l'unité tous les enfants de Dieu dispersés>> (Jn 11, 51- 52). Rassembler! Non pas en une masse informe et uniforme, mais en un peuple fait de personnes diverses et uniques aux yeux de Dieu.

<< Eglise >> (en grec) signifie 1'<< assemblée convoquée >>. L'Eglise est convoquée par Dieu dans l'unité de l'Esprit. Dieu l'a voulue à son image et à sa ressemblance: communauté d'amour et de personnes comme Dieu lui- même. Il I'a voulue et il nous la donne: la Trinité-- un seul Dieu dans la communion des Personnes-- oeuvre à ce rassemblement, elle en est la source. L'Eglise a son origine et sa source dans la Trinité. Plus elle rayonnera de ce grand mystère d'amour, de respect mutuel et de communion, plus le sens de la Trinité nous sera familier, nous enveloppera en quelque sorte.

L'Eglise est a construire avec tous, et en particulier avec ceux qui sont malades, réfugiés, pauvres ou désorientés, c'est- à-dire les plus démunis. A première vue, ils semblent n'avoir rien à nous offrir. En réalité, ils nous sont donnés par le Christ comme ses frères, et c'est à travers eux que nous avons accès au Christ. Même ceux qui possèdent souffrent souvent d'une autre pauvreté: celle de n'avoir rien à donner ni à recevoir...

La communion entre <<riches>> et <<pauvres>> est essentielle à l'Eglise en tant que Peuple où Dieu rassemble des hommes de tous âges, de toutes conditions sociales et de toutes races: des hommes qui, normalement, ne seraient pas << frères >> s'ils n'étaient fils d'un même Père.

La famille chrétienne est, à l'image de la Trinité, une communion entre personnes différentes. Voilà pourquoi le Concile la regarde comme une << petite Eglise >>: << I'Eglise à la maison >>. Sa vocation est d'être un foyer d'amour, une communauté ouverte, un signe du Royaume dans un monde éclaté où tant d'hommes, de femmes, d'enfants et de vieillards souffrent de solitude et de manque d'affection. Unis par la grâce du sacrement de mariage, les époux savent que l'amour même de Dieu leur est communiqué pour qu'à travers les difficultés de la vie quotidienne, ils puissent témoigner de la force de Celui qui les unit. Comme la grande Eglise, la << petite Eglise >> prend part au << ministère de l'évangélisation >>.

L'Eglise se réalise surtout dans chaque diocèse par la communion de toutes les communautés entre elles et autour de leur Pasteur: le Christ, que l'évêque rend présent.

Beaucoup disent: << Pourquoi faut- il un intermédiaire entre Dieu et les hommes? >> Mais l'Eglise n'est pas un intermédiaire: elle est le Corps vivant du Christ!

C'est en vivant les situations concrètes (expansion missionnaire, amour fraternel, divisions, hérésies, persécutions...) que les Apôtres et les évangélistes parlent de l'Eglise comme d'un mystère révélé dans le Christ et qu'aucune image ne peut exprimer totalement: I'Eglise est en même temps Vigne du Seigneur, Epouse du Christ, Corps du Christ, Temple de l'Esprit, Cité céleste,. ..

L'église- bâtiment est, à sa manière, une image de l'Eglise dont nous sommes les << pierres vivantes >>. Consacrée à Dieu, tout comme le peuple des baptisés, elle lui appartient.

Ce bâtiment, issu de la créativité d'un peuple croyant et habité par le Corps du Christ, exprime un mystère que les << pauvres >> comprennent. En effet, c'est le Peuple lui- même qui constitue le véritable << Temple de l'Esprit Saint >>: ce Peuple, constamment rassemblé par Dieu pour entendre sa Parole et rendre grâce dans l'eucharistie, est envoyé dans le monde pour y être signe de la présence divine. Ainsi I'église- bâtiment est- elle signe de la présence de Dieu dans le village ou le quartier.

L'Eglise s'enracine dans la prédication de Jésus. Les disciples sont le noyau autour duquel le Peuple nouveau pourra se rassembler. (Quand le Christ est mort, Dieu a confirmé la mission de son Fils et la foi des disciples par la résurrection de Jésus et par le don de l'Esprit.

A la lumière de cet événement nouveau, le groupe des Apôtres, dispersé par la mort de Jésus, s'est rassemblé à nouveau. Il constitue désormais une communauté << chrétienne >>, c'est- à-dire fondée sur le Christ mort et ressuscité.

L'Eglise se développe à partir de la communauté de Jérusalem qui a vécu l'expérience de Pâques et de Pentecôte. Elle va connaître très tôt la douleur de la séparation entre l'assemblée juive et l'assemblée chrétienne. Née du baptême de l'Esprit, I'Eglise forme le Nouvel Israël qui rassemble tous ceux qui acceptent de se laisser sauver par le Christ. Elle nourrit un grand respect et une vive gratitude envers le Peuple élu à qui Dieu a confié les Promesses, les Ecritures et l'espérance du genre humain.

Pierre et les Apôtres sont toujours parmi nous. Ce sont les évêques, unis à celui qui préside en tant qu'évêque de Rome: Pierre parmi ses frères dans l'épiscopat.

Les évêques ne sont pas seuls. Comme Jésus, ils sont des rassembleurs d'hommes. Ils vivent dans un Peuple et sont au service de ce Peuple. Autour de chacun d'eux, de génération en génération, s'est formé le collège des prêtres qui participe à la grâce du sacerdoce de l'évêque. Evêques et prêtres participent ensemble au sacerdoce du Christ, car il n'y a qu'un Prêtre: le Christ dont ils sont le signe.

Le souci des pauvres a marqué l'Eglise dès sa naissance. C'est pourquoi les Apôtres ont institué des diacres, c'est- à- dire des << serviteurs >>. Ils ont pour mission d'avoir plus particulièrement à coeur le soin des nécessiteux, qui espèrent dans l'amour de l'Eglise.

Ainsi donc la hiérarchie-- évêques, prêtres et diacres -- n'est pas au- dessus du Peuple de Dieu mais dans ce Peuple et à son service. Dans la communauté chrétienne Ies loics ont pour vocation spécifique de témoigner du Royaume dans le monde. Partout où l'Evangile est appelé à germer (le monde de la famille, du travail, des loisirs, de la santé, de la recherche, de la politique...), ils sont appelés à rendre compte de la vie nouvelle que Dieu donne.

Evêques, prêtres et diacres -- que l'on appelle ministres << ordonnés >> parce qu'ils ont reçu le sacrement de l'ordre -- et laïcs sont tous fondamentalement égaux dans le Peuple de Dieu. En effet, le baptême confère à tous les chrétiens la même dignité, mais les rôles sont différents et non interchangeables.
 

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